Inspirée par la beauté du monde, Charlotte Cazeaux trace avec sa marque Madame Iris une voie singulière dans le paysage textile français. À l’occasion de la sortie de son premier livre Couture au fil des saisons avec Madame Iris, elle nous parle de son univers, entre motifs rêveurs, exigence éthique et amour de la transmission

 

Graphiste de formation, illustratrice et couturière passionnée, Charlotte Cazeaux lance sa marque Madame Iris en 2019 avec une idée simple : créer de beaux tissus à la fois originaux et écoresponsables. Ses motifs, qu’elle dessine à la main, sont un appel au voyage – floral, géométrique, tropical ou rétro – et séduisent une large communauté de couturières en quête de singularité. Installée à Biarritz, elle imagine chaque collection, qu’elle imprime au Portugal dans un souci constant de qualité. Aujourd’hui, elle publie un livre de couture mettant à l’honneur ses tissus à travers des modèles pensés pour accompagner les couturières même débutantes.

Votre univers textile est immédiatement reconnaissable. Comment avez-vous construit l’identité visuelle de Madame Iris ?

Madame Iris est née d’un besoin d’évasion. J’ai toujours eu ce désir de créer un vestiaire de vacances idéal, fait d’imprimés joyeux, de coupes fluides et de sensations douces sur la peau.

 

Mon univers s’est construit comme un carnet de voyage, où chaque tissu devient une escale : une virée en Vespa à Rome, un flirt à Copacabana, une balade mystique à Jaipur, une échappée vibrante au cœur du Mexique, un tea-time pluvieux dans la campagne anglaise, ou encore une sieste dans un hamac suspendu entre deux palmiers aux Caraïbes.

 

Les collections commencent toujours par une harmonie colorée. Jamais une teinte seule, toujours une combinaison qui surprend, qui résonne. Un vert kaki contre un rose fané, un bleu délavé mêlé à de l’ocre, un beige sable réveillé par un rouge paprika. Ce sont ces dialogues entre les couleurs qui me guident. Je repère ces harmonies partout, souvent là où on ne pense pas à regarder : dans un panier de légumes au marché, où l’aubergine frôle le vert tendre des fanes de carottes, dans la boîte d’aquarelle de ma fille, avec ses mélanges involontaires, ses tâches, ses surprises, dans un vieux livre de botanique jauni par le temps, où les fleurs ont des teintes délavées et les feuilles un vert presque poudreux… Ce sont ces accidents visuels, ces assemblages spontanés, ces dialogues entre les teintes, qui me donnent envie de créer une collection. Je les note, je les photographie, parfois je découpe, je classe. Ensuite, je les transforme en palette, puis en textile.

 

Puis viennent les motifs. Je travaille avec toutes sortes de techniques : dessin au crayon à papier, au crayon de couleur, au pastel gras, gravure, peinture, collage, photographie, distorsions numériques. Ce que je cherche, c’est un équilibre vivant, un rythme, une texture. Un dessin peut raconter une toute autre histoire selon qu’il est imprimé en miniature ou en très grand. Cela change la perception, le mouvement, l’impact visuel sur le vêtement.

 

L’impression se fait au Portugal, sur du coton biologique. L’atelier avec lequel je travaille est top, ce qui me permet d’avoir peu d’allers-retours. J’anticipe en notant un maximum d’indications sur les couleurs, pour éviter les mauvaises surprises à la réception des échantillons

Dans Burda Creative n° 97, nous partageons avec nos lectrices le patron de votre sac de plage matelassé, mis à l’honneur en couverture du magazine. Que pouvez-vous nous dire sur ce modèle et ce qu’il représente pour vous ? 

Ce sac, c’est le compagnon de toutes les aventures d’été. Je l’ai pensé comme le sac de plage parfait, celui où l’on peut glisser 10 000 choses : la crème solaire, le roman de l’été, une robe roulée en boule, une trousse à maquillage, un maillot mouillé, des coquillages, du bois flotté…

 

Il est matelassé pour le moelleux et la tenue, et conçu pour être facile à coudre, même sans grande expérience. C’est un projet qui mêle le pratique et le joli — exactement ce que j’aime.

À qui s’adresse votre livre Couture au fil des saisons avec Madame Iris ? Quelle envie vous a guidée dans sa création ?

Ce livre, je l’ai imaginé comme une balade douce à travers l’année. Il s’adresse à toutes celles et ceux qui ont envie de se reconnecter à un geste simple, sans se mettre la pression. J’ai vraiment tenu à ce que ce livre soit didactique, en expliquant chaque étape pas à pas, avec précision et clarté — mais je voulais aussi que les explications soient belles, pas de simples schémas techniques : des illustrations soignées, qu’on ait plaisir à feuilleter, même sans coudre.

 

On y trouve des projets accessibles, utiles, beaux, pensés pour accompagner les saisons : une nappe à volants pour déjeuner dehors lors des premières belles journées ; une serviette de bain à grands galons pour la plage ou la piscine ; des housses de cintre pour remettre de l’ordre dans sa garde-robe à la rentrée ; un snood réversible pour tenir son cou au chaud l’hiver…

 

Je voulais transmettre une couture joyeuse, décomplexée, libérée de la perfection. Une couture comme un moment à soi, où l’on peut rater, recommencer, adapter. Une couture qui fait du bien.

Dans votre livre, vous partagez vos conseils de manière ludique et décomplexée. Quel serait, selon vous, le premier geste ou l’état d’esprit essentiel à adopter quand on débute en couture ?

Lâcher prise, sans hésiter. Ne pas attendre de « savoir faire parfaitement » pour commencer. La couture est une pratique vivante, avec ses petits défauts, ses surprises, ses ratés parfois charmants. Et c’est ce qui fait sa beauté. Je conseille toujours de commencer avec un tissu qu’on aime et un projet très simple. Ce tissu-là donne envie d’aller au bout. Ensuite, il suffit d’un peu de confiance, d’une machine… et d’un brin de patience et de persévérance.

Quelles seront vos inspirations pour votre prochaine collection ?

Ma prochaine collection s’intitule « Licornes et Sortilèges ». C’est une plongée dans un univers féérique, où la magie flirte avec la délicatesse. On y découvre des imprimés poétiques, des créatures imaginaires, des fleurs aux détails ciselés comme surgis d’un rêve d’enfant et une palette de couleur douce, tendre et acidulé.

 

Et pour cette collection, la directrice artistique, ce n’est pas moi… mais ma fille de six ans. Ce sont ses choix, ses couleurs, ses envies qui ont guidé la création.

 

Elle voulait aussi une robe de princesse, mais pour tous les jours. Une robe longue — mais pas trop, pour pouvoir courir à l’école sans se prendre les pieds dedans — et surtout avec des manches bouffantes. Ce sera donc le premier patron Madame Iris.

Avec Madame Iris, Charlotte Cazeaux propose une vision joyeuse, libre et responsable de la couture. Son livre comme ses collections de tissus sont une invitation à créer avec intention et passion, afin de puiser l’inspiration dans un quotidien plus conscient et ancré.